Film « Le mal de l’ombre «
UFC Que Choisir Océan Indien a participé à un film sur la leucose bovine à la Réunion.
La réalisatrice Anaïs Charles-Dominique a réalisé un excellent documentaire sur l’affaire de la leucose bovine, suite à sa rencontre avec Daniel Bègue dans son précédent film (Le Bon Sens des Hommes).
Le film Le Mal de l’Ombre et traite de l’opacité de l’action publique dans cette affaire et de la crise de confiance avec les consommateurs qui en découle. Le sujet est difficile et l’enquête menée a été longue et semée d’embûches.
Réalisé grâce a un financement participatif vous invitons ceux qui n’ont pas pu le voir à le visionner grâce aulien ci-dessus.
UN SUPER MONOPOLE A LA REUNION
Les associations à représentation nationale UFC que Choisir et la CLCV (confédération pour le logement et le cadre de vie ) ont associé leurs compétences pour dénoncer l’emprise et les méfaits que constitue l’URCOOPA sur l’agriculture Réunionnaise .
Nous avons demandé à l’OPMR (observatoire des Prix , des Marges et des Revenus) en séance plénière de créer un atelier pour étudier la situation de monopole que constitue cet organisme avec toutes ses ramifications .
En voici le texte :
En 2000, il y avait 151 exploitations laitières. 64 en 2013, moins de 60 actuellement, pour moins de 2000 vaches laitières. Il y a 260 éleveurs de vaches à viande, soit 6500 têtes. Le contrôle laitier était assuré par le Conseil Général, avec une publication mensuelle, qui a disparu depuis.
La filière lait est alimentée par l’Hexagone : 24 millions de litres produits localement en 2006, moins de 18 millions de nos jours. Les besoins s’établissent à 160 millions de litres annuels. La production locale en perte de vitesse n’assure que 11% des besoins. La publicité « Au bon lait des hauts » est un pieux mensonge : les produits laitiers réunionnais sont fabriqués à + de 70% avec du lait en poudre métropolitain. Les meilleurs éleveurs réunionnais produisent jusqu’à 7000 litres annuels/vache, grâce aux compléments alimentaires : rations sèches de granulés, tourteaux de soja OGM « Monsanto », avec force antibiotiques de type macrolides. URCOOPA, importateur unique, gère les prix à sa guise.
La filière viande produit 1800 t/an pour 4567 t importées en 2015 (chiffres de la Chambre d’Agriculture).
La leucose bovine enzootique (LBE7) touche surtout l’élevage laitier (du fait du mode principal de transmission) : 10 élevages en sont indemnes. La dernière étude de 2003, menée par l’ingénieur agronome Barbara Dufour, retrouve 70% de LBE7 ; elle met en place un plan d’éradication sur trois ans : repérer les vaches négatives pour la LBE7 et installer une banque de colostrum, l’allaitement étant le mode de contamination le plus important ; en effet la capacité vectorielle de la « mouche bœuf » (stomoxe) n’a jamais été prouvée, et les pratiques vétérinaires d’écornage et de piqûres sans changer les seringues sont devenues interdites. Ce plan n’a jamais été mis en place. Depuis, silence radio. Le rapport 2015 de l’ANSES( Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ) extrapole les chiffres de 2002 et estime la contamination à 90% des élevages, pour 70% des animaux dans les élevages laitiers. Les petits élevages sont contaminés à 15%. La LBE7 épuise les cheptels, diminue les rendements laitiers, expose à d’autres maladies. La carcasse d’un animal infecté ne vaut rien, le lait est de mauvaise qualité, et enfin on a retrouvé du génome du virus de la LBE7 dans les cancers du sein de femmes en Californie (étude de l’Université Berkeley parue en 2015).
Or il y a une législation. La réglementation française de 1990 suit l’Europe : l’abattage de 2007, un instant envisagé, a été annulé. Une association d’éleveurs l’Adéfar attaque la Préfecture au Tribunal Administratif le 25/03/2013, la décision du 11/12/2014 ordonne de relancer une enquête épidémiologique. La Direction Régionale de l’Alimentation promet enquête et indemnisations en 2015. En 2016 rien n’est fait. En 2017, un arrêté ministériel est pris : la réglementation 1990 ne s’applique pas à La Réunion, et la LBE, classée en deuxième catégorie en métropole, est classée en troisième catégorie à La Réunion, c’est-à-dire que les soins que requiert cette maladie sont exclusivement à la charge des éleveurs. Nouveau combat judiciaire de l’Adéfar : cet arrêté ministériel est cassé. Un nouvel arrêté est rendu en octobre 2017 : le ministère peut prendre des dispositions particulières pour La Réunion, à nouveau exclue du dispositif 1990. Ce nouvel arrêté est également attaqué par l’Adéfar, l’affaire est en cours.
Depuis la situation s’est encore aggravée, les consommateurs boudent à juste titre la viande locale
Les ventes de bœuf pays se sont écroulées
Deux associations de consommateurs à représentation nationale se sont inquiétées et ont décidé d’unir leurs efforts pour tirer cette affaire au clair.
La LBE7 est une maladie dite à » vice rédhibitoire « , ce qui implique l’application d’une stricte réglementation sanitaire. Les animaux des élevages bovins doivent subir une prophylaxie, un examen ayant pour but de prévenir l’apparition, la propagation ou l’aggravation d’une maladie. Si les bêtes sont positives à la leucose, qui est une maladie réglementée, » elles ne doivent plus sortir de l’élevage et sont strictement interdites à la vente.
La leucose bovine enzootique, souvent comparée à un cancer de la vache, est une maladie contagieuse des bovins provoquée par un virus. Depuis février 2006, elle est inscrite sur la liste des Maladies réputées contagieuses (MRC) et donne lieu à une déclaration obligatoire.
La dernière publication de la DAAF7 Réunion (septembre 2019) montre que :
100 % des troupeaux laitiers sont contaminés avec une prévalence de 81 %
55% des troupeaux coopératifs à viande sont positifs avec une prévalence de 14 %
La situation serait meilleure dans les troupeaux à viande indépendants :
38 % des troupeaux indépendants sont positifs avec une prévalence de 23 %
Il a fallu relancer à plusieurs reprises la DSV, la DAAFR7, et écrire au Préfet pour obtenir une entrevue avec la DAAF7. Les consommateurs ne seraient-ils pas des interlocuteurs valables ?
Que passe-t-il au niveau des abattoirs , comment sont traités les animaux malades ?
Les réponses que l’on nous apporte sont stéréotypées, il n’y a pas de problème , tout va bien .
Le préfet de La Réunion, Amaury de Saint Quentin, affirmait sans ambiguïté, le 23 juillet 2015, que « la leucose est une maladie animale spécifique des bovins et qu’elle ne présente donc strictement aucun danger pour l’homme »
C’est le même type de réponses que celles entendues pour les sites Sévéso et par exemple ces jours-ci, à Rouen le risque d’incendie avait été évalué à 1 incendie tous les 10 000ans !
Les études se poursuivent quant au risque de transmission de la leucose à ’homme, mais ne sont toujours pas suffisamment avancées pour avoir ou pas des certitudes. Par contre les scientifiques préconisent la prudence et l’application du principe de précaution que ne semble pas connaître l’ANSES malgré les condamnations dont elle a été l’objet pour non-respect du principe de précaution.
L’attitude négationniste des services officiels et coopératifs ne sécurise nullement les consommateurs.
Nos études sur la leucose nous ont conduits à prendre connaissance d’une situation sanitaire alarmante du point de vue des maladies en général.
On constate des taux de mortalité très élevés ( 2 à 4 fois supérieurs à ce qui est observé sur la moyenne du cheptel français : Brunschwig 2009) et pas seulement chez les petits éleveurs mais aussi au sein des organismes très impliqués comme chez M. Huet président du GDS7 ou chez Mme Mussart présidente de la « SICALAIT».
Les informations qui nous sont remontées montrent qu’il y a des maladies plus ou moins contrôlées et mal ou pas déclarées.
L’OIE (Organisation Mondiale de la Santé Animale) communique fin 2018 la présence de maladies :
L’Anaplasmose bovine
La babésiose bovine
La cowdriose
La diarrhée virale bovine
La fièvreQ
La leucose bovine enzootique
La maladie hémorragique épizootique
La para-tuberculose
La rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR)
Les animaux meurent avant que des analyses soient pratiquées.
Les installations d’élevage sont vétustes et en mauvais état.
Les aides ne parviennent pas au bout de la chaîne.
L’alimentation du bétail est aussi en cause : si initialement les races locales consommaient de l’herbe, l’arrivée d’animaux importés sensés être plus performants (comme la race Holstheim) ne disposent pas suffisamment d’herbages , il faut compenser par l’utilisation d’ aliments importés (tourteaux produits avec des OGM).
La présence de la leucose réduit les défenses, diminue considérablement la production laitière . Au niveau animal, pour compenser ces pertes de rendement on augmente les quantités d’aliments importés par l’URCOOPA , ce qui entraine des acidoses et toutes sortes d’autres problèmes.
Si à cela on ajoute le manque de formation de certains éleveurs et la maltraitance animale on arrive à la situation actuelle
Enfin cette situation n’est pas près de s’améliorer compte tenu de
la position de déni de l’administration,
la position des services vétérinaires pour qui ces maladies constituent une source de profit (dixit le conseiller de la Ministre Mme Girardin lui-même vétérinaire)
de la méthode de redistribution des subventions via les coopératives qui ne laissent que des miettes en bout de chaine.
Les associations de consommateurs UFC que Choisir et CLCV déplorent que l’on ait pu arriver à un tel statut qui ne peut en aucun cas inciter le consommateur à consommer de la viande locale tant que les conditions ne seront pas revenues à la normale, c’est à dire
des animaux sains, qui mangent de l’herbe,
des élevages techniquement exemplaires,
un volet humain apaisé et des prix justifiés,
la fin des faillites et suicides
Mais alors des questions se posent et nous interpellent :
– pourquoi et comment il a été possible d’en arriver à la situation actuelle ?
– pourquoi l’élevage réunionnais dépérit jour après jour sans que ne soient mis en place des correctifs ?
– pourquoi les coopératives
excluent les membres en difficulté au lieu de les aider ?
ne prennent pas toutes les mesures nécessaires
adoptent une position de déni
sanctionnent les éleveurs qui ne s’approvisionnent pas chez elles
ne demandent pas l’application de mesures sanitaires quittes à avoir des taux de mortalité élevées chez leurs propres dirigeants.
-pourquoi les éleveurs acceptent sans discuter
l’achat de génisses contaminées , de races mal adaptées ,
de nourrir les animaux à grands coups d’aliments importés.
C’est étrange que le bon sens paysan ne l’emporte pas sur des conseils douteux !
On croit deviner des interactions humaines et financières derrière tout cela
A y regarder de plus près on découvre que ce sont les mêmes personnes que l’on retrouve dans les différentes structures, depuis l’URCOOPA le seul fournisseur ; jusque dans les coopératives, la vente de matériels l’abattage et même l’équarrissage.
Nos associations relèvent des liens entre l’Urcoopa, les coopératives, l’administration, les services vétérinaires et le financeur : le Crédit Agricole dont des membres se retrouvent dans les conseils d’administration des sociétés agricoles locales .
En remontant la chaine nous trouvons au niveau supérieur la société coopérative IN VIVO au chiffre d’affaire de 5.5Milliars d’Euros pour la France , mais aussi présente dans de nombreux pays .
INVIVO URCOOPA comme SODIAAL sont des coopératives aux relents de multinationales. Ce statut détourné leur permet dans certaines conditions d’échapper à l’impôt, de recevoir des aides d’Etat, de l’Europe.
Ces coopératives multinationales sont tournées exclusivement vers le profit, uniquement le profit au détriment de leurs adhérents.
A la Réunion, URCOOPA contrôle tout, «de la fourche à la fourchette», de l’engrais à la transformation des carcasses d’animaux morts, en passant par le lait. , y compris l’équarrissage
Ces implications ont été bien démontrées dans l’article de M. Tillier du JIR sous le titre « la pieuvre »
Le modèle promu c’est une agriculture intensive, nocive à la santé, qui détruit durablement la Réunion, la fertilité de ses terres et de ses rivages marins.
Une production locale faite de lait péi contaminé par le VLB (plus de 400 000 cellules/nanolitre classé en catégorie C (la plus basse), devrait être impropre à la consommation, mais pas à la Réunion car le consommateur réunionnais n’a pas droit à tant d’égards! Ce lait contaminé est mélangé avec du lait en poudre, de l’eau, de l’huile de beurre, et des vitamines. Il est vendu comme lait des hauts partiellement reconstitué. Une mixture que refuseraient même les pays en voie de développement c’est le lait que la majorité des réunionnais consomment.
Nous sommes très loin du vrai lait ( 96% du pis de la vache sans addition ni soustraction.)
Il faudra beaucoup de courage pour lutter contre ce monopole qui étouffe l’agriculture réunionnaise, ses agriculteurs, ses éleveurs, ses producteurs laitiers mais aussi les consommateurs qui paient la note finale et pour lesquels il est difficile dans leurs assiettes d’échapper à ce monopole.
La taille importante du groupe en fait avec ses nombreuses filiales un équivalent de multinationale, dans lequel les coopérateurs ne profitent plus des intérêts d’une coopérative agricole.
Bien entendu, le groupe URCOOPA comme la grande distribution, ne publie pas ses comptes.
En tant qu’associations nationales de consommateurs, nous avons saisi dans un premier temps la DIECCTE.
Nous vous demandons à M. Le Président de prendre en considération notre demande d’étude concernant le monopole d’URCOOPA qui dépasse de beaucoup et en tous points les situations monopolistiques rencontrées à la Réunion
On ne peut pas lutter contre la vie chère sans regarder ce qui se passe dans le monde de l’agroalimentaire. Tout le monde s’étonne des prix pratiqués sans trouver d’explication à leur niveau très élevé, parfois supérieur à ceux des produits importés
Ces coûts sont d’autant moins compréhensibles que des subventions considérables sont injectées dans la chaîne..
Voilà probablement un début d’explication.
Les consommateurs rappellent qu’ils souhaitent privilégier, en priorité
-1 un étiquetage correct de la viande et du lait, des prix honnêtes.
-2 avoir connaissance du contenu du plan d’éradication y compris les actions prévues et le calendrier d’application afin que soit mise en place une vraie prophylaxie efficace
-3 que la transparence soit faite sur les subventions et leur répartition
-3 des animaux adaptés à La Réunion et bien soignés.
4- La mise en œuvre des moyens pour y parvenir.
5- que les responsables des coopératives et GDS7 soient exemplaires et non pas à la botte des industriels et financiers.
6- un système d’élevage permettant de disposer d’animaux sains , bien traités , bien nourris dans des étables en bon état et permettant aux éleveurs de vivre décemment.
La sauvegarde des filières réunionnaises passe d’abord par une « rédemption » de tous les acteurs de tous les acteurs : Etat, DGAL, Services vétérinaires, les collectivités locales, les élus de la Réunion, les professionnels des filières lait et viande, du GDS9747.
Tant que ces autorités resteront dans ce déni permanent, les consommateurs réunionnais qui ne sont pas dupes, ne reviendront pas pour ces
filières viande et lait vers une production locale, d’autant que la tendance actuelle au niveau mondial est de réduire la consommation de viande. Le seul espoir sera de produire moins mais d’une qualité supérieure avec un cheptel sain c’est-à-dire tout à l’opposé des objectifs poursuivis par les filières réunionnaises axés uniquement sur le profit, lequel permet de servir des dividendes à ces multinationales aux relents de coopératives (URCOOPA, INVIVO, SODIAAL et réduisent la majorité des agriculteurs réunionnais en esclaves de ces monopoles qui les écrasent sans pitié eux, leurs familles poussant certains au suicide.
Les confédérations nationales sont intervenues auprès de M. le Ministre de l’Agriculture, et de la Ministre de la Santé pour que le consommateur réunionnais soit considéré tout autant que le consommateur métropolitain.
Une audience est demandée au Président de la République.
Enfin, comme cela est prévu dans les modes de saisine de l’Autorité de la Concurrence, les deux associations comme elles l’ont déjà fait dans un passé récent demanderont un avis sur cette situation de monopole d’URCOOPA INVIVO.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous vous demandons devant la situation de désespérance, de misère, de ruine de nombreux agriculteurs éleveurs réunionnais face à ce mammouth, cette pieuvre monopoliste, cet abus caractérisé de position dominante, de créer au sein de l’OPMR une commission d’études dont les deux associations assureront l’animation.
ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
OIE : Organisation Mondiale de la Santé Animale
OPMR : Observatoire des Prix des marges et des Revenus
DGAL : Direction Générale de l’alimentation
LBE : Leucose Bovine Euzootique
DAAF : Direction de l’Alimentation , de l’Agriculture et de la Forêt